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20 février 2013 3 20 /02 /février /2013 22:06

N.pngous découvrons et redécouvrons comme tous les premiers dimanches de Carême, l’évangile des tentations de Jésus. Cet évangile nous plonge au cœur de la question du combat spirituel dont les principaux protagonistes sont les démons et le Christ. Par notre baptême, nous participons à ce combat. Cela signifie que les tentations et les épreuves font parties de toute vie spirituelle. Si nous demandons à Dieu de ne pas nous « laissez succomber à la tentation », nous ne pouvons échapper à l’épreuve même de la tentation.  

 

Jésus se rend au désert « poussé par l’Esprit Saint ». Le désert est un lieu très important dans la Bible ; les premiers moines aimaient s’y rendre pour y vivre une vie érémitique ou cénobitique. Mais c’est aussi un lieu, selon les pères du désert,  propice aux tentations. Les pères notaient que la « marque du moine, c’est d’être tenté. » Pour cette raison, ils ont beaucoup réfléchi à ce qu’était la tentation et nous sont d’une aide précieuse même si nous vivons dans le monde. En effet, les tentations ne seront pas tout à fait du même ordre pour le laïc séculier et le moine régulier mais au fond il s’agit du même mécanisme et du même but : nous détourner de Dieu, douter ou nous révolter contre Dieu, enfin retourner à l’idolâtrie et au paganisme. La tentation pousse au péché. Bref, les tentations ne cessent jamais, elles sont là « jusqu’au dernier soupir » écrivait saint Antoine. Première leçon, ne pas nous décourager si les tentations reviennent toujours mais plutôt s’en servir pour se fortifier et se connaître. En effet, on peut repérer les tentations qui nous assaillent et ainsi discerner nos faiblesses et nos forces. Cela permet encore une fois de se regarder en vérité et en toute humilité.

 

Jésus est tenté alors qu’Il s’est mis à l’écart pour prier sous l’action de l’Esprit Saint. Cela signifie aussi que nous serons davantage tenté au moement où  nous nous approchons plus de Dieu, que nous posons une action qui nous rapproche de Dieu.  Cette progression de la tentation ne doit donc pas nous décourager mais nous inviter à persévérer sans oublier que l’action du démon est forcément limitée car il n’est que créature. Il n’a pas le pouvoir de lire dans les cœurs, de scruter les cœurs et les reins. Il donne un peu des coups au hasard, sème à tous vents. La première technique souvent face à la tentation est de ne pas réagir, de laisser passer la « mauvaise pensée » sans s’y complaire. Il faut combattre la pensée avant qu’elle ne devienne acte.

 

Jésus sera tenté de trois manières alors que nous nous sommes tentés de multiples façons. Pourquoi ? Lisons ce que nous dit saint Jean Cassien dont nous avons déjà parlé récemment : «  Il fallait que notre Seigneur, qui possédait parfaitement l’image et la ressemblance divine, fût tenté comme Adam l’avait été avant d’avoir été obscurci cette image, c’est-à-dire qu’il fut tenté de gourmandise, de vaine gloire et d’orgueil, mais non pas des autres vices auquel Adam fut exposé, lorsqu’il eut souillé par sa désobéissance la ressemblance divine qu’il avait reçue. Il fut tenté de gourmandise quand le fruit de l’arbre défendu lui fut présenté ; de vaine gloire, par cette parole : « vos yeux seront ouverts » ; et d’orgueil par cette autre : « Vous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal. » Nous lisons dans l’Evangile que notre Seigneur fut tenté de ces trois manières par le démon : de gourmandise ; «  Dites que ces pierres deviennent des pains. » ; de vaine gloire : «  Si vous êtes Fils de Dieu, jetez-vous en bas. » ; d’orgueil : « le démon lui montrant tous les royaumes du monde et leur gloire, lui dit : Je vous donnerai toutes ces choses si vous vous prosternez et m’adorez. »

Nous avons déjà évoqué le fait que les vices s’enchaînent selon un mécanisme que les pères ont analysé. Jésus est tenté selon les trois vices dont dépendent les autres. Adam fut tenté par ces trois vices, il a succombé et tous les autres vices, fléaux, péchés ont découlé de ce premier mouvement. Le Christ est le second Adam ou le nouvel Adam. Il est tenté par les mêmes vices mais Lui, dans sa perfection, ne succombe pas. Ainsi, Il nous montre le chemin de la victoire sur la tentation et par conséquent sur le péché. Ecoutons toujours Cassien : «  Des deux Adam, le premier a été une cause de ruine et de mort ; le second, une cause de résurrection et de vie ; le premier a fait condamner le genre humain, le second l’a sauvé ; le premier avait été formé d’une terre vierge, le second est né de la Vierge Marie. »

Saint Ambroise dans le même esprit parle de « trois armes » qui blessent l’âme de l’homme. Pour lui, ce sont la gourmandise, la jactance et l’orgueil (ou ambition). Théophane lui voit dans la seconde tentation non la jactance mais la cupidité ou l’avarice qui rejoignent en fait la vaine gloire. Quoiqu’il arrive nous sommes bien au niveau de vices qui en engendrent d’autres.

«  Le démon l’attaqua d’abord par les tentations qui avaient fait tomber Adam ; il espérait, s’il y succombait, l’entraîner également aux autres vices ; mais il fut vaincu dans le premier combat, et ne put lui donner le mal qui vient de la gourmandise, comme de sa racine. (…) Lorsqu’il vit que notre Seigneur avait triomphé de la gourmandise, et qu’il ne pouvait le tenté par la volupté, il essaya l’avarice, qu’il savait aussi la source de tous les maux, et comme il fut vaincu de ce côté ; il n’osa plus le solliciter aux péchés qui découlent de ce principe, et il eut recours à la passion de l’orgueil, qu’il savait bien renverser les parfaits qui avait résisté aux autres vices : car lui-même Lucifer, avec bien d’autres anges, avait été précipité du ciel, sans avoir éprouvé d’autres passions. »

 

            Nous constatons que le Christ ne succombe pas. Il est de fait parfait en son humanité. Ce qui nous montre qu’un homme parfaitement équilibré ne succombe pas à la tentation. Le but de notre avancée spirituelle et humaine est donc une question d’équilibre. Un père comparaît le combat contre les vices à un funambule ! Il s’agit encor une fois d’apprendre à se connaître et de combler ses failles, de poser des actes vertueux qui sont actes de « juste mesure ». Dans nos directives de Carême, un peu d’équilibrisme, de la prière et du jeûne ; oui mais en fonction de nos forces, de son caractère, de ce qu’on est en vérité : éviter le pas assez ou le trop c’est trop… Les passions, l’imagination, les souvenirs ne sont pas choses mauvaises en soi mais si nous  ne les maîtrisons pas, elles sont sources de tentations et de péchés. Il faut se méfier des excès, le diable travaille dans l’excès.

            Certains pères aiment distinguer la tentation de l’épreuve. Il faut donc être prudent car selon les auteurs les termes seront synonymes ou non ! Saint Grégoire le Grand dans ses Moralia indique l’ « épreuve fatigue sans faire tomber. » Elle ne pousse pas directement au péché même si dans la durée ou selon la force elle peut faire « tomber » l’homme. La figure biblique est une nouvelle fois celle de Job. Notez que si Job connaît l’épreuve, la tentation va se surajouter en quelque sorte. C’est en effet son épouse qui l’invite à se révolter contre Dieu.

Nous connaissons toutes sortes d’épreuves : physiques, morales, professionnelles, psychiques, épreuve de la mort et enfin épreuves spirituelles. La Bible en parle à de nombreuses reprises. Vous pouvez lire à ce sujet les épîtres : la deuxième aux corinthiens par exemple ou celle aux romains. Je vous cite ici, celle de Jacques : «  Mes frères, quand vous butez à toute sorte d’épreuves, pensez que c’est une grande joie. Car l’épreuve vérifie la qualité de votre foi, produit en vous la persévérance et la persévérance doit vous amener à une conduite parfaite, ainsi vous serez vraiment parfaits, il ne vous manquera rien. » (Jc 1, 2-3). Ici, l’épreuve est donc bénéfique, elle a valeur de purification dans la progression spirituelle, sur le chemin de la perfection qui nous mène à Dieu.  Au cœur de l’épreuve c’est la question de la foi  (confiance)  et de la fidélité (persévérance). Cela se vérifie au niveau spirituel dans notre relation à Dieu mais bien évidement dans nos relations humaines (professionnelles, amicales, conjugales…). Il nous faut, au cœur de l’épreuve, continuer à avancer, continuer à poser des actes vertueux. L’exercice des vertus permet à l’homme d’entrer plus avant dans la profondeur du mystère divin. Dans le doute, l’aridité, la nuit obscure, les états de désolations si bien décrits par les maîtres spirituels du Carmel, nous devons continuer à poser des actes de foi et d’humilité.

            Avant de terminer sur cette question ( en ayant bien conscience de ne pas avoir tout traité), ajoutons que le combat que nous menons est forcément proportionnel à nos forces.  Si nous sommes tentés, ce n’est pas parce que nous sommes faibles mais parce que Dieu autorise ici la tentation car Il sait que nous avons les moyens, les forces de la combattre. Si le combat n’était pas proportionnel, nous ne serions plus libres. Or, la liberté humaine joue un rôle fondamentale au sein de ce combat. L’homme doit prendre position. Lisons saint Paul en 1 Co 10, 13 : «  Quand vous avez été mis à l’épreuve, ce ne fut jamais au-delà des forces humaines. Et Dieu est fidèle : il ne permettra pas que vous soyez éprouvés au-delà de ce qui est possible pour vous. Mais avec l’épreuve il vous donnera le moyen d’en sortir et la possibilité de la supporter. ».  A nous donc de discerner les signes, les moyens que Dieu nous envoie pour combattre la tentation. Dieu ne nous envoie pas l’épreuve mais l’épreuve n’arrive pas sans l’ « autorisation » de Dieu.

Il nous faut donc retrousser nos manches, prendre part à ce combat spirituel tout en gardant confiance. N’oublions pas qu’au final, c’est le Christ qui est victorieux. Nos simples forces même si elles sont nécessaires ne sont pas suffisantes ; il nous faut la grâce de Dieu.

C’est pour cela que les armes les plus efficaces seront la prière et la Parole de Dieu.

SaintJeanBaptiste.png

 

 

 

 

 

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commentaires

J
Merci pour ces précisions , Jacquotte..... Pour ma part, je suis retraité de l'aéronautique, divorçé, grand père de trois petites filles et j'approche de la soixantaine, que je fêterai au mois de<br /> Juillet de cette année, si Dieu le veut ........ J'ai connu votre blog par Beux, lui-même en lien avec Titiou Lecoq, journaliste au journal en ligne Slate, dans lequel je fais parfois des<br /> commentaires ... Voilà ....Union en Christ....jean jacques<br /> PS : J'ai transmis un CV à la DRH du Vatican car j'appris qu'il y avait un poste à pourvoir ....... Je ne sais pas si j'ai le bon profil, mais qui ne tente rien n'a rien , n'est-ce pas ? Bonne<br /> continuation ............................
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J
Merci pour cet article qui actualise très bien les luttes qu'un chrétien d'aujourd'hui doit mener pour demeurer chrétien. J'ai bien aimé ton allusion aux moines et à leurs origines. Je suis<br /> accompagné spirituellement par mon cousin, qui est prieur du monastère Ste Marie du Désert ( http://abbayedudesert.com/ ) . Je voudrais savoir si tu fais des études en théologie ou si tu es<br /> religieuse . Je te demande de me pardonner cette intrusion dans ta vie privée , mais je suis étonné par la précision et la clarté de ton écriture ( et puis , tu n'es pas obligée de répondre , hein<br /> ? )<br /> A bientôt de te lire. Union en Christ. jean jacques
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J
<br /> <br /> Bonjour, il est vrai que je ne parle pas de ma vie privée mais je peux cependant faire une exception et préciser certaines choses: non je ne suis pas religieuse, je suis mariée. et oui, j'ai fait<br /> des études de théologie après mes études de philo. J'enseigne actuellement la théologie morale fondamentale et la théologie spirituelle. Je vais aller voir ce site de l'abbaye du désert que je ne<br /> connais pas, merci donc pour le lien.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />