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21 juin 2013 5 21 /06 /juin /2013 14:48

T.pngerminons aujourd’hui notre lecture du premier chapitre de cette belle encyclique Evangelium Vitae écrite par Jean Paul II en 1995. Après la question « Qu’as-tu fait ? », le pape part d’une autre question posée cette fois-ci par Caïn : « Suis-je le gardien de mon frère ? ».  C’est l’occasion de réfléchir sur la notion de liberté et ses perversions actuelles  (n°18 à 20) comme une des causes de la « culture de mort. ». Il poursuivra sur une des causes plus fondamentales qui est celle de l’éclipse du sens de Dieu qui conduit à l’éclipse du sens de l’homme (n°21 à 24). Enfin le chapitre 1, quelque peu sombre, se termine sur une note d’espérance au cours de laquelle le saint Père relève tous les signes de culture de vie. Cette dernière partie s’intitule « signes d’espérance et appel à l’engagement. (n°25 à 28).

            Nous entrons donc dans une partie qui traite des causes de cette culture de mort dénoncée lors des paragraphes précédents. Elle rejoint bien entendu la question « Qu’as-tu fais ? » qui portait sur une recherche de l’intention (motivations) et des conséquences.

Le saint Père rappelle au préalable que les circonstances, la situation personnelle peut bien entendu diminuer la culpabilité et la responsabilité individuelle de certains actes mauvais ou crimes mais qu’en réalité ici : « le problème se pose aussi sur les plans culturel, social et politique, et c’est là qu’apparaît son aspect le plus subversif et le plus troublant, en raison de la tendance, toujours plus largement admise , à interpréter les crimes en question contre la vie comme des expressions légitimes de la liberté individuelle, que l’on devrait reconnaître et défendre comme de véritables droits. »

Nous arrivons au cœur de problème de la liberté. L’encyclique souligne le paradoxe, bien connu à présent, de nos sociétés. Nous sommes à une époque où les droits de l’homme, la liberté individuelle sont défendus bec et ongle et en même temps ils n’ont jamais autant servi de justification à attenter à cette vie même revendiquée par les droits de l’homme. Revendication des droits et liberté individuelle sont souvent confondues allégrement. Liberté individuelle - de plus souvent bien mal comprise- qui est identifiée à l’intérêt personnel immédiat. Intérêt qui oublie souvent la liberté des autres ou tout du moins qui la conçoit comme un obstacle à sa propre liberté, pour reprendre la formule de Sartre, « l’enfer c’est les autres » ! Cependant le droit est si vous voulez une « valeur universelle », il doit prendre en compte les normes, les valeurs les figures fondamentales de l’existence humaine. Ce paradoxe est un véritable scandale dans la mesure où : « cela se produit justement dans une société qui fait de l’affirmation et de la protection des droits humains son principal objectif et en même temps sa fierté. Comment accorder ces affirmations de principe répétées avec la multiplication continuelle et la légitimation fréquentes des attentats contre la vie humaine ? Comment concilier ces déclarations avec le rejet du plus faible, du plus démuni, du vieillard, de celui qui vient d’être conçu ? » Ces comportements sont une véritable menace contre la « culture des droits de l’homme ». Jean Paul II écrivait ce texte il y a une quinzaine d’années et l’on peut constater qu’à l’heure actuelle les droits de l’homme sont en effet plus que remis en question au niveau mondial ainsi que la notion qui les fondent : l’existence d’une loi naturelle est niée par beaucoup.  Le pape dénonce vertement cette idéologie ambiante où finalement les droits de l’homme ne sont qu’un prétexte et une « rhétorique » par laquelle la plupart des pays riches dissimulent leur égoïsme et cautionnent des interventions moralement et légitimement contestables dans des pays plus pauvres.

 

Le saint Père approfondi alors son analyse pour tenter de comprendre d’où vient cette conception faussée de la liberté et cette contradiction. Il évoque alors la subjectivité exacerbée et dénaturée.  On pourrait relire en parallèle les paragraphes de Veritatis Splendor consacrés à la liberté. Il parle aussi de la dignité personnelle souvent assimilée à l’unique raison et à la « capacité de communication verbale explicite. ». Notre société a redécouvert et approfondi en effet la notion de « relation ». L’homme est de fait un être relationnel qui communique, qui dialogue. La médecine, la psychologie nous ont bien montré aussi qu’un petit d’homme privé de relations verbales et affectives développera des retards affectifs, psycho-moteurs qui peuvent aller jusqu’à de véritables handicaps( sociaux, mentaux, psychologiques…). Mais cette logique en a conduit beaucoup à réduire la dignité humaine à cette capacité de relation. Qu’en est-il alors d’une personne dans le coma, en état végétatif, d’un fœtus non-voulu dont la mère refuse l’existence ? Ces personnes perdraient alors leur dignité… On voit le même cas pour les embryons congelés qui « existent » seulement lorsqu’un projet parental existe et qui sont alors des bébés en devenir mais qui ne deviennent qu’amas cellulaires s’il n’y a plus de projet parental suite à un changement de décision des parents, d’un divorce ou encore d’un décès. Surprenant ! Au même stade de l’évolution fœtale vous pouvez avoir un bébé (in utero) ou un fœtus qui n’est rien , ou tout du moins pas grand-chose, que l’on peut détruire selon le fameux droit de la femme à disposer de son corps… Droit qui est en réalité disposition de disposer de la vie d’autrui. 

Cette conception très individualiste et subjectiviste de la liberté ne favorise en réalité peu ou pas « la solidarité ou le service du prochain. » pourtant mis en avant dans notre société.

Le pape répond à la question de Caïn : « Oui, tout homme est le « gardien de son frère », parce que Dieu confie l’homme à l’homme. Et c’est parce qu’il veut confier ainsi l’homme à  l’homme que Dieu donne à tout homme la liberté, qui comporte une dimension relationnelle essentielle. C’est un grand don du Créateur, car la liberté est mise au service de la personne et de son accomplissement par le don d’elle-même et l’accueil de l’autre ; au contraire, lorsque sa dimension individualiste est absolutisée, elle est vidée de son sens premier, sa vocation et sa dignité sont démenties. » La liberté individuelle n’est donc pas revendications de droits individuels et d’intérêts personnels mais source de solidarité, de service et d’accueil de l’autre par le don de soi. La liberté est liée à la vérité.  Autre idée plus que refusée par nos sociétés contemporaines où règne le relativisme. Il existe donc  une vérité objective et universelle qui nous aide à prendre des décisions, à discerner le bien du mal et donc à exercer droitement notre liberté. Sinon nous sommes à la merci de l’égoïsme, de l’incertitude et des caprices humains.

Cette conception faussée de la liberté non seulement fausse nos relations aux autres mais altère la vie en société ( n°20). L’autre est un ennemi dont il faut se défendre  et ainsi : «  chacun veut s’affirmer indépendamment de l’autre, ou plutôt veut faire valoir ses propres intérêts. »  Ce n’est pas pour rien en effet que notre époque voit s’épanouir avec force les communautarismes. Chaque groupe ne se référant plus à un bien commun mais à ses intérêts propres où l’autre est perçu comme un ennemi à combattre, un obstacle à ses intérêts appelés « droits » : «  C’est le résultat néfaste d’un relativisme qui règne sans rencontrer d’opposition : le « droit » cesse d’en être un parce qu’il n’est plus fondé sur la dignité inviolable de la personne mais qu’on le fait dépendre de la volonté du plus fort. Ainsi la démocratie, en dépit de ses principes, s’achemine vers un totalitarisme caractérisé. L’Etat n’est plus la « maison commune » où tous peuvent vivre selon les principes d’égalité fondamentale, mais il se transforme en Etat tyran qui prétend pouvoir disposer de la vie des plus faibles et des êtres sans défense, depuis l’enfant non encore né jusqu’au vieillard, au nom de l’utilité publique qui n’est rien d’autre que l’intérêt de quelques-uns. » Vous pouvez à ce sujet, relire vos vieux livres d’histoire du lycée et reprendre les caractéristiques d’un état totalitaire. Voyez si vous pouvez l’appliquer à nos systèmes démocratiques ? C’est encore une fois bien surprenant…

Bref, comme le souligne Jean Paul II, nous avons l’apparence de l’égalité mais en fait ce n’est que trahison des fondements de la dignité humaine.

            Après son analyse de la liberté, le pape parvient à la question de l’éclipse du sens de Dieu et du sens de l’homme. Il s’appuie pour cela d’une formule du Concile Vatican II : « la créature sans son Créateur s’évanouit… Et même, la créature elle-même est entourée d’opacité, si Dieu est oublié. »

La première des conséquences est que l’homme perd son caractère « sacré » ou « de mystère ». Il n’est plus qu’un vivant parmi les vivants, un mammifère parmi les mammifères. Il parvient parfois avoir la place la plus élevée mais ce n’est pas systématique… Il est réduit à sa matérialité physique, à son immanence et il a perdu sa transcendance. Au sein de l’Eglise même, beaucoup ont oublié que la croix se constituait aussi d’une branche verticale et la charité et autres vertus chrétiennes ne sont réduites qu’à l’horizontalité. La vie n’est donc plus un don mais une « chose », une « propriété » qui m’appartient que je peux manipuler et dominer. (n° 22) : «  Ainsi, devant la vie qui naît et la vie qui meurt, il n’est plus capable de se laisser interroger sur le sens authentique de son existence ni d’en assumer dans une véritable liberté les moments cruciaux. Il ne se soucie que « du faire », et, recourant à toutes les techniques possibles, il fait de grands efforts pour programmer, contrôler et dominer la naissance et la mort. Ces réalités, expériences originaires qui demandent à être « vécues », deviennent des choses que l’on prétend simplement « posséder » ou « refuser ». ». Notre conception même de la nature est faussée puisqu’elle est soit réduire à l’état de « matériau » disponible à loisir soit diviniser. Quel sont donc alors le sens et le mystère du monde, de la vie et de l’homme ? que comprendre sans la dimension transcendante, sans le sens de Dieu ? C’est bien entendu l’avènement du matérialisme pratique si souvent combattu par Jean Paul II. De là découlent, l’utilitarisme, l’hédonisme et enfin l’individualisme (n°2 ») : « La seule fin qui compte est la recherche du bien-être matériel personnel. La prétendue « qualité de vie » se comprend essentiellement ou exclusivement comme l’efficacité économique, la consommation désordonnée, la beauté et la jouissance de la vie physique, en oubliant les dimensions  plus profondes de l’existence, d’ordre relationnel, spirituel et religieux. »

Dans ce contexte, le pape relève quelques implications concrètes de ces idéologies : une certaine négation de la souffrance combattue à n’importe quel prix même celui de la vie, le corps est réduit à sa matérialité, la sexualité est « dépersonnalisée et exploitée », la procréation est un « ennemi à éviter dans l’exercice de la sexualité »… bref, ce sont les « relations interpersonnelles » qui s’en « trouvent gravement appauvries. »

 

Cette perte du sens de Dieu est avant tout à rechercher non dans la culture ou la société mais au plus intime de chaque être humain. C’est la « conscience de chaque personne qui est en cause. » Encore  une fois le saint Père ne nous invite pas une révolte stupide contre un système mais à une véritable conversion personnelle.  Dans ma conscience, je suis face à Dieu, quelle place je lui laisse. Bien sûr, notre société et les médias ne nous facilitent pas le discernement entre autres entre le bien et le mal  mais c’est d’abord nous que nous devons interroger. Est-ce que je prends la peine de former et d’éduquer ma conscience dans un contexte peu porteur ? « Cependant, toutes les influences et les efforts pour imposer le silence n’arrivent pas à faire taire la voix du Seigneur qui retentit dans la conscience de tout homme ; car c’est toujours à partir de ce sanctuaire intime de la conscience que l’on peut reprendre un nouveau cheminement d’amour, d’accueil et de service de la vie humaine. »

Nous parvenons à la fin de ce premier chapitre et dans les trois derniers numéros le saint Père va nous donner de quoi espérer et il relève tous les signes en faveur de la culture de vie. Respirons un peu, reprenons confiance… Il part pour cela du sacrifice de Jésus sur la Croix. Le sang d’Abel,, l’innocent à crier vers le Père et à sa suite le sang de beaucoup d’innocents. Ce sang d’Abel n’est en fait qu’une figure prophétique du sang de Jésus répandu sur la Croix en particulier celui qui coulera de son côté transpercé ( Jn 19, 34). Dans ce sacrifice nous entrons dans une logique de « justice », de « rédemption » et de « miséricorde ». Ce sang est don de vie nouvelle, il « révèle la grandeur de l’amour du Père, manifeste que l’homme est précieux aux yeux de Dieu et que la valeur de sa vie est inestimable. » Quelle valeur a en effet ce corps humain pour que Dieu est pris chair ? Quelle valeur à cette vie humaine pour que le Verbe fait chair est accepté par amour de mourir sur une croix ? Dans ce mystère de la Croix, c’est le mystère de l’homme qui est révélé : grandeur de l’homme, de vocation… Cette grandeur passe par le don total de soi. Ce don du Christ sur la Croix et dans l’eucharistie est un appel pour l’homme à s’engager en faveur de la vie…. Ne devons-nous pas imiter le Christ ? Qu’a fait le Christ ? Il ‘est donné pour combattre la mort, le péché, le mal et la souffrance. Il s’est donné pour que tous les hommes aient la vie nouvelle et éternelle. Nous devons donc nous aussi combattre en faveur de la vie.

Ainsi, au n°26 et 27, Jean Paul II dénombre tous les signes annonciateurs de cette victoire sur la mort dans nos sociétés : le don des époux dans le mariage, les parents qui accueillent l’enfant comme un don, les familles qui vivent le service quotidien aux plus pauvres, aux handicapés…, les bénévoles qui s’engagent pour accueillir les enfants, dans le milieu éducatif… ; la médecine et toutes les professions médicales qui travaillent à l’accompagnement des personnes et à la diminution de la souffrance, des institutions ou organisations qui travaillent à la justice et à la solidarité, les mouvements en faveur de la vie et enfin toutes ces personnes qui pratiquent des « gestes quotidiens d’accueil, de sacrifice, de soins désintéressés.. ». C’est l’exemple de Jésus, le Bon Samaritain.  Puis, le pape relève les changements positifs dans l’opinion : les oppositions à la guerre et aux différentes formes de violence, le refus de la peine de mort, l’attention à la qualité de l’écologie, le développement de la bioéthique et de la réflexion sur l’éthique au sujet de la vie…

            Le saint Père conclue ce premier chapitre avec la phrase du Deutéronome : « Vois, je te propose aujourd’hui vie et bonheur, mort et malheur (…) Choisis donc la vie pour que toi et ta prospérité vous viviez. »Finissons avec une parole du pape : « Ce panorama fait d’ombres et de lumières doit nous rendre tous pleinement conscients que nous nous trouvons en face d’un affrontement rude et dramatique entre le mal et le bien, entre la mort et la vie, entre la « culture de mort » et la « culture de vie ».Nous nous trouvons non seulement « en face », mais inévitablement « au milieu » de ce conflit : nous sommes tous activement impliqués, et nous ne pouvons éluder notre responsabilité de faire un choix inconditionnel en faveur de la vie. » (n°28)

 

 SaintPierre.png

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commentaires

D
Les paroles de Pape loin d’être attaché à un modèle de Pape; les versets sont correctement applicables dans tous les domaines de la vie, la chirurgie, la science et même les lois de la beauté. La beauté dépend d'un modèle qui est en train de gérer ce monde le modèle est certainement l’optimum de la beauté c'est Dieu sans aucun doute, ce qui joli ce qui est bon ce qui est vital ce qui est optimal : c'est le modèle de la vie le modèle de rayonnement qui provient d'une source qui ressemble à un arbre pas si loin pas si proche que ses rayons rayonnent ce monde par la beauté. « Ce panorama fait d’ombres et de lumières doit nous rendre tous pleinement conscients que nous nous trouvons en face d’un affrontement rude et dramatique entre le mal et le bien, entre la mort et la vie, entre la « culture de mort » et la « culture de vie ».Nous nous trouvons non seulement « en face », mais inévitablement « au milieu » de ce conflit : nous sommes tous activement impliqués, et nous ne pouvons éluder notre responsabilité de faire un choix inconditionnel en faveur de la vie. »
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