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10 février 2013 7 10 /02 /février /2013 14:44

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la veille de la fête de Notre-Dame de Lourdes où chaque année des millions de malades prient la Vierge Marie, l’Eglise nous propose un « dimanche de la santé ».

C’est l’occasion pour nous de réfléchir à des notions très importantes en morale : le bien et le mal… Qu’est-ce que le bien ? Qu’est ce que le mal ? Je vous renvoie aux articles « bien » et « mal » du théologien Bruguès dans son Dictionnaire de Morale Catholique que je suivrai ici dans les grandes lignes.

            Le Bien n’est pas une notion univoque. Dans la Bible, un seul est Bon : Dieu. La création participe à la bonté divine : «  Et Dieu vit que cela était bon ! » L’homme pour trouver Dieu, participer à sa vie divine et ainsi être heureux doit répondre à l’alliance de Dieu de manière libre, consciente et volontaire. Il existe donc une bonté morale. L’homme bon est l’homme juste qui marche dans les voies du Seigneur, qui lui est fidèle et qui suit les commandements. La quête du bien s’inscrit dans le cadre d’une lutte contre les forces du mal. Pour l’homme il s’agit de combattre avec le Christ car c’est avant tout le combat du Christ, victorieux de la mort et du péché par son Incarnation, Passion et Résurrection. L’homme reçoit ainsi l’Esprit Saint et s’il vit dans l’Esprit, il peut alors « porter des bons fruits »,  faire de « bonnes œuvres » et vaincre ainsi le mal par le bien.

D’un point de vue philosophique, on peut comprendre de deux grandes manières cette notion de bien. D’un point de vue « essentialiste » en partant de l’être ou au contraire en partant du « sujet ». Ces deux conceptions conduisent à des morales différentes. Dans le premier cas, le bien est en quelque sorte une propriété transcendantale de l’être. Le bien comme on l’a déjà vu se présente alors à l’intelligence comme vrai et à la volonté comme désirable, aimable. La possession du bien procure délectation et joie. Une chose est dite bonne aussi dans la mesure où elle permet un accomplissement de soi en tant qu’elle permet de devenir soi-même, ce qu’on doit être. Il est bon de noter que l’on distingue des biens relatifs et un bien dernier/ultime qui sera identique pour tous les hommes. Le bien en  général selon cette conception est comprise comme plénitude de l’être en accord (plein) avec sa nature. Nous comprendrons mieux ce point lorsqu’on parlera du mal. Le bien moral qui renvoie à l’agir humain est compris à travers ses « sources » : objet, circonstances, intention…

Selon l’autre conception, le bien se rapporte au sujet. En quelque sorte, le bien est relatif au sujet. L’acte, la situation sont perçues comme bonnes si le sujet les perçoit comme nécessaire, convenables, utiles, agréables. Les actes sont plutôt conçus comme « convenables » ou «  non recevables » que « bons » ou « mauvais ». Les théologiens qui suivent cette ligne de pensée introduisent alors la notion d’option fondamentale dont Jean Paul II parle aussi dans Veritatis Splendor.

            Le mal.  Question philosophique par excellence, le mal est un scandale pour notre raison. Pourquoi le mal ? St Augustin dans ses Confessions, au livre VII entre autres, réfléchit sur cette question : pourquoi le mal ? Comment le mal ? Dieu et le mal peuvent t’ils exister ensemble ? Si le mal existe, comment conserver la toute puissance de Dieu ? Nous ne répondrons pas à ces questions redoutables et profondes dans cet article mais il s’agit de bien saisir combien le mal déstructure, désoriente l’homme pour reprendre des expressions de M.J Thiel et X.Thévenot dans Pratiquer l’Analyse Ethique. C’est une dé-création, un profond dysfonctionnement.  Le mal est un non-être qui pourtant existe, nous faisons tous l’expérience du mal et de ses dérivés telle que la souffrance. Le mal existe et il est plutôt privation de l’être. Une absence de perfection qui devrait être là par la nature même de l’être. Il est à la fois irrationnel et injustifiable. Il blesse, corrompt, diminue l’être. Derrière l’expérience du mal pointe l’expérience de l’absurdité voire la possibilité du suicide compris comme suppression du mal et de la souffrance.  

Cependant le mal recouvre encore bien des réalités différentes, pensons à tous ces dérivés sémantiques : maladresse, malaise, maladie, mal-être, malchance, malheur…. Le mal se définit bien par son contraire, ce qu’il « enlève ».

Le mal, la souffrance poussent l’homme à s’enfermer en lui-même. Si l’amour, le bien ont pour caractéristiques d’ouvrir à l’Autre, de se répandre, de tendre vers le don ; la souffrance pousse à l’enfermement. Ce n’est pas pour rien si au XXeme, nous avons pensé l’enfer plutôt comme un « huis-clos » qu’une fournaise géante. Mais, comme le note encore une fois les moralistes Thévenot et Thiel, s’ouvre avec l’expérience de la souffrance, paradoxalement, un intense dialogue intérieur comme une recherche ultime et désespérée de l’autre, de l’Autre ?

La figure biblique de Job peut nous éclairer. Job, homme bon et fidèle va connaître sans raison toute une série d’ épreuves, de souffrances… Epreuves d’autant plus difficiles et compréhensible que Job est un « innocent »… Spontanément, nous nous révoltons. Après le temps des doutes, de la colère, des pleurs, de  prières, de cris… Dieu qui semblait absent surgit  à nouveau, Il entre en dialogue avec Job et là, Il ne donnera aucune explication sur le mal ( peut on expliquer, justifier le mal ???)  mais sera présent, accompagnera Job. C’est cette présence qui va permettre à Job de s’ouvrir à nouveau à la vie, de se reconstruire, d’avancer…

 

On distingue plusieurs types de mal :

-          Un mal physique : celui qui est subit par l’homme. Ce sont les douleurs, les souffrances d’ordre physique mais aussi psychiques…

-          Un mal moral : celui causé par l’homme. C’est un mal volontaire, issu de la liberté humaine. C’est le résultat d’une action humaine et l’homme en est donc responsable.  L’acte mauvais peut se distinguer de la faute (philosophie) ou du péché (théologie). L’acte se dit mauvais selon l’objet, les circonstances et l’intention.

-          Un mal « métaphysique » : C’est une sorte d’imperfection originelle de la créature humaine ( en tant que créature finie qui a des limites/faiblesses) qui la rend sujette à l’erreur, à la faute et au péché.

-          Un mal ontique :  certains parlent de mal pré-moral. Il s’agit d’une absence d’un bien dû à la nature.

 

Ces distinctions ont un intérêt. Voici quelques pistes de réflexions issues de ces dernières…

Souvent dans les questions d’ordre éthique, on confond le mal moral/la question morale avec le mal ontique. La maladie est un mal ontique. Ainsi le SIDA n’est pas une question morale, en tant que maladie, que mal, le virus est à combattre. En revanche, la prise en charge du patient, l’expérimentation possible de médicaments sur un individu … etc. peuvent soulever des problèmes moraux.

            La maladie en tant que mal ontique est à combattre car c’est une privation de l’être, de l’intégrité physique dû à la nature humaine mais il ne faut pas oublier cependant que la santé n’est pas le tout du salut comme l’écrit Xavier Thévenot. Le corps est une dimension fondamentale de la personne humaine mais elle n’est pas le tout de la personne. Si la personne se réduit à l’intégrité physique ou intellectuelle, de fait, les personnes en coma végétatif, les personnes handicapées mentales ne seraient plus des « personnes »…

Il ne faudrait pas confondre « être » et « bien-être ». La suppression de la souffrance, de la maladie ne peuvent pas conduire à la suppression de l’être…. L’être est plus important. Cela pourra nous aider pour nos réflexions sur l’euthanasie ou l’IMG (Interruption Médicale de Grossesse).

            On pourrait en prendre conscience à travers le principe de totalité qui est un des grands principes de la moralité pour nous aider à discerner. Il s’agit de la possibilité de sacrifier une « partie » pour le bien de la totalité. Par exemple, ablation d’un membre gangréné pour sauver la vie de la personne. En sachant bien évidement qu’une personne humaine n’est jamais une partie ( par exemple d’une société, d’un état…).

            Une autre question surgit, peut-on moralement autoriser la transplantation d’organes dans la mesure où on « enlève », on « prive » un corps sain de son rein par exemple ? Est-ce un acte bon ? Vous me direz « oui » spontanément car dans ses circonstances on prélève un organe pour « sauver une autre vie »… Oui mais la fin, aussi bonne soit-elle, ne justifie pas un moyen mauvais ? Le prélèvement d’organe est-il « mauvais » ou « bon » ?

Il nous faut donc bien réfléchir sur ces questions car des évidences finalement ne sont pas aussi « claires » que cela…

            N’oublions pas qu’il nous faut accueillir nos faiblesses, nos limites… Le péché de l’homme est fondamentalement péché d’orgueil, cette enflure de l’âme qui nous fait oublier notre dépendance à notre Créateur… Il est sans doute plus facile de « montrer » la différence pour l’éloigner de nous. Ces « monstres » (malades, handicapés) rendus tellement différents de nous sont ainsi plus facilement « éliminables ». Nous nous protégeons ainsi.

Ce qui fonde notre dignité humaine prend sa source dans le fait que nous avons été créés à l’ « image et à la ressemblance » de Dieu. Cette image est inaliénable quelque soit la vie que nous menons (et oui même Hitler est créé à l’image de Dieu et conserve cette image ) ou les blessures physiques et psychiques, intellectuelles qui nous « défigurent », nous « diminuent ». Si nous devons soigner toutes souffrances, toutes maladies n’oublions pas qu’il  nous faut essentiellement soigner « notre ressemblance » divine celle qui grandit ou qui décroit en fonction de notre agir libre et volontaire soit notre agir moral.  Profondément, ce qui blesse l’homme c’est le péché !

 

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commentaires

T
Article très intéressant !
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C
Je vous remercie pour ce partage si nutritif.
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T
Bonjour,<br /> Le bien et le mal, c'est ce que Dieu nous enseigne dans la bible. Nous devons choisir le bien en suivant sa loi.
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J
<br /> <br /> La loi étant en quelque sorte expression de sa volonté, il s'agit plutôt de choisir Dieu et librement de suivre et de faire sa volonté.<br /> <br /> <br /> La notion de loi étant assez complexe et parfois mal comprise par nos contemporains dans le sens où elle est saisie uniquement comme un ensemble d'obligations et d'interdits.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
T
Bonjour,<br /> Vous avez tout à fait raison. Dieu est la seule créature divine, bon et juste. Le mal a crée toute sorte de souffrance pour déranger l'humain dont la maladie.
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