l est beaucoup question aujourd’hui de PMA c’est-à-dire de Procréation Médicalement Assistée sans pour autant que nous ayons bien conscience des questions éthiques soulevées. Nous ne parlerons pas pour l’instant de l’accès à ces techniques par convenance personnelle c’est-à-dire de l’ouverture de ces techniques médicales à des personnes qui n’ont pas de problèmes de fécondité/stérilité ( personnes homosexuelles, célibataires…) mais de la position de l’Eglise sur ces pratiques.
En premier lieu, sachez qu’il vaut mieux parler non de PMA mais d’AMP c’est-à-dire d’Assistance Médicale à la Procréation. Parler d’AMP c’est se pencher sur le désir d’enfant et ce sera notre propos aujourd’hui.
Ce désir très complexe naît d’une histoire d’amour entre un homme et une femme qui désirent donner la vie à une troisième personne. Le propre de l’amour étant de se donner, de se répandre. Le désir de procréation se mêle aussi plus ou moins confusément avec notre peur de la mort et ce désir de « se continuer » à travers une autre personne. Bref, ce désir d’enfant est à la fois le plus naturel et le plus narcissique. Le moraliste et salésien X.Thévenot fait remarquer que ce « souhait » est extrêmement complexe et qu’il renvoie à toute une série de désirs plus ou moins enfouis. Les voici : le désir d’aimer (son conjoint à l’enfant à venir), le désir d’être aimé (réciprocité), le désir d’être pris et de prendre son conjoint ( désir de possession), le désir de jouissance ( exigence de décentrement et forme de foi en l’autre et en soi-même), le désir d’être enceinte ( désir de fusion), le désir d’avoir un enfant, le désir de se prolonger charnellement, le désir de prolonger son lignage (lié à la fonction sociale), le désir d’accoucher ( réaliser une tâche importante), le désir d’avoir un enfant de cet acte sexuel là, le désir d’être éducateur…
Le désir d’enfant suscitera un conflit entre l’enfant réel et l’enfant imaginaire. Conflit d’autant plus grand que l’enfant pourra présenter des malformations, des handicaps avec parfois un rejet plus ou moins pathologique de l’enfant réel.
Parfois, l’enfant désiré se fait attendre… Naît alors une profonde blessure existentielle, narcissique. Certains hommes le vivent comme une véritable castration. Ce désir peut devenir la recherche de l’enfant à tout prix… et parfois de l’enfant parfait à tout prix…
Les techniques de PMA ouvrent l’homme d’aujourd’hui à ce « pouvoir » et soulèvent donc toute une série de questions éthiques. Le « pouvoir » n’est pas systématiquement le « moralement bon ». L’enfant doit être essentiellement compris comme un don ou comme le dit encore Thévenot un « hôte à accueillir ». Or les techniques contemporaines : contraception, PMA nous ont poussé à voir souvent l’enfant comme un intrus quand il surgit alors qu’on ne l’attendait pas, un monstre quand il n’est pas comme on le souhaitait, un droit quand il ne vient pas… pour ne pas dire une maladie, un mauvais virus quand on voit toute la machinerie mise en place pour une simple grossesse… Pour nous chrétiens, seul Dieu est créateur… Il est notre Père. L’enfant est avant tout personne libre et enfant de Dieu… Dimensions souvent oubliées dans notre nouvelle conception de la procréation où par exemple Jacques Testart a pu être nommé « père d’Amandine » (premier bébé née en France grâce aux PMA). Vous pouvez lire du reste à ce sujet ses ouvrages, le désir du gêne ou l’œuf transparent.
Nous voulons avoir une totale maîtrise de notre procréation… Nous oscillons entre un contexte de négation de la fécondité (contraceptifs, IVG, stérilisations) où l’enfant est nié et un contexte de la fécondité possible sous toutes conditions où l’enfant est recherché à tout prix. En fait, ces mentalités sont sans doute très proches, elles révèlent quelque chose de notre conception de la vie et de la sexualité.
Au cœur des questions éthiques autour de la sexualité, c’est vraiment la rencontre entre l’homo sapiens et l’homo faber. L’homme peut à présent « faire », mais est ce bon ? est-ce sage ? Est-ce que ces conduites nous humanisent ? Il y a en effet du techniquement possible, du techniquement utile, du techniquement moral…. Un acte humain c’est-à-dire un acte moral doit tendre à nous humaniser davantage, à devenir ce que nous sommes appelés à être. Il est intention, circonstances et objet. Or, en éthique l’intention bonne ne suffit pas à rendre l’acte bon. Une fin bonne ne justifie pas non plus un moyen mauvais. Nous sommes donc bien au cœur de ce débat puisqu’il s’agit de pallier la stérilité, éliminer la souffrance d’un couple qui désire un enfant, favoriser la venue d’une nouvelle vie… Mais, cela ne justifie pas pour autant tous les moyens pour aboutir à la conception.
Les questions éthiques autour des PMA sont d’autant plus délicates qu’elles doivent prendre en compte les dimensions médicales, juridiques, psychologiques, sociales qui sont fortement présentes. Elles sont délicates parce qu’au cœur de celles-ci il s’agit de la souffrance humaine, de la vie d’un enfant et que souvent les couples sont rarement préparés à cette épreuve. Il serait bon de bien intégrer cette question dans la préparation au mariage. La stérilité est quelque chose de très lourd à porter face au monde (regard et questions des autres…) mais aussi dans le couple ( qui est responsable ? la façon dont on le découvre ? avant ou après le mariage ?....) La stérilité est fortement marquée symboliquement (castration, châtiment comme par exemple des cas d’endométriose après une IVG) et souvent le couple éprouve de la honte vis-à-vis de la société. Il nous faut donc réfléchir à notre image de la famille et de la place de l’enfant dans nos familles, dans notre société. Dans nos familles, comment parlons-nous des couples qui n’ont pas d’enfants ? A l’inverse, comment jugeons-nous les familles qui accueillent les enfants handicapés ? un grand nombre d’enfants ?
La stérilité provoque la souffrance, à ce titre la science a légitiment le droit d’intervenir dans ce domaine puisque toute souffrance est à combattre.
Quelques remarques à présent qui nous aideront ultérieurement. On attribue à l’acte sexuel, trois fonctions :
- Le don des époux, l’un à l’autre, au plus intime d’eux-mêmes. L’intimité physique est le signe, la preuve, la promesse de l’intimité spirituelle. C’est le lieu le plus symbolique du don humain, de la réciprocité, de l’échange. Voir Familiaris Consortio au n°11 de Jean Paul II.
- La procréation. Voir Gaudium et Spes, n°50 : « Le mariage et l’amour conjugal sont d’eux-mêmes ordonnés à la procréation, à l’éducation… »
- L’érotisme. C’est le bien des époux. Pie XII en 1954 rappelle l’importance du plaisir et de la satisfaction des corps et des époux.
Pourquoi évoquer ces trois fonctions ? Parce que plusieurs techniques de PMA séparent ces trois fonctions en dissociant l’acte de procréation de l’acte sexuel.
Enfin l’Eglise nous rappelle que la procréation dépend entre autres des principes de responsabilité et de vérité de l’amour. C’est le couple qui doit décider du nombre d’enfants, de l’espacement et jamais une société ou un Etat. Elle doit être le fruit d’un libre choix dans le respect de l’intégralité de l’acte sexuel. C’est une responsabilité envers soi, envers le conjoint, envers l’enfant à naître et envers Dieu. C’est l’expression de l’amour véritable entre un homme et une femme. L’acte conjugal a une dignité ontologique toute particulière car c’est un acte ouvert à la vie, à la venue d’une personne (et non d’un objet comme l’acte artistique) et c’est un acte qui fait appel à la totalité des personnes. L’acte de procréation met en jeu la responsabilité des parents, la structure du couple et la vie de la personne appelée à naître.
Des questions surgissent déjà ? Jusqu’à quel point l’intervention médicale est éthiquement licite ? quand passe t’elle de l’intervention médicale à la manipulation ? Que signifie soigner ? L’AMP fait aussi intervenir une tierce personne dans l’acte de procréation. La demande d’enfant ne concerne plus seulement le couple mais la société et la médecine….
Lors de notre prochain article, nous examinerons les techniques de PMA à proprement parler.