enoît XVI termine son enseignement sur saint Thomas par une présentation de son oeuvre et en particulier de la fameuse Somme Théologique: " Il s’agit d’un raisonnement serré, dans lequel l’application de l’intelligence humaine aux mystères de la foi procède avec clarté et profondeur, mêlant des questions et des réponses, dans lesquelles saint Thomas approfondit l’enseignement qui vient de l'Ecriture Sainte et des Pères de l'Eglise, en particulier saint Augustin. Dans cette réflexion, dans la rencontre de vraies questions de son époque, qui sont aussi et souvent des questions de notre temps, saint Thomas, utilisant également la méthode et la pensée des philosophes antiques, en particulier Aristote, arrive à des formulations précises, lucides et pertinentes des vérités de la foi, où la vérité est don de la foi, où elle resplendit et nous devient accessible, ainsi qu’à notre réflexion. Cependant, cet effort de l’esprit humain — rappelle saint Thomas à travers sa vie elle-même — est toujours éclairé par la prière, par la lumière qui vient d’En-haut. Seul celui qui vit avec Dieu et avec ses mystères pour comprendre ce qu’ils disent."
Le pape clarifie le plan et la structure de la Somme qu'il qualifie, à l'aide des mots du grand spécialiste de saint Thomas, Torell, ainsi : "une recherche de la plénitude de Dieu avec un «regard théologique»".
Saint Thomas part de Dieu et plus particulièrement " des trois différentes façons de l'être et de l’essence de Dieu".
Quelles sont-elles?
* Dieu existe en lui même. Il est principe et fin de toutes choses. Toutes choses créées dépendent et procèdent de Lui.
* Dieu est présent, par la Grâce, dans la vie et l'oeuvre du chrétien, de ses saints.
* Dieu est présent d'une manière particulière en la personne du Christ et dans les sacrements qui naissent de l'eouvre rédemptrice.
Bref, le but de la Somme est simple, faire connaître Dieu selon ses trois façons. Saint Thomas suit un plan en trois parties qu'il expose lui-même: " (...) Dans l’intention d’exposer cette doctrine, nous traiterons en premier de Dieu; en deuxième du mouvement de la créature vers Dieu; et en troisième du Christ, qui, en tant qu’homme, est pour nous le chemin pour monter vers Dieu» (ibid., i, q. 2)." Benoît XVI commente: "C’est un cercle: Dieu en lui-même, qui sort de lui-même et nous prend par la main, afin qu’avec le Christ nous retournions à Dieu, nous soyons unis à Dieu, et Dieu sera tout en tous. "
Le saint père détaille rapidement les trois parties de la Somme: " La première partie de la Summa Theologiae enquête donc sur Dieu en lui-même, sur le mystère de la Trinité et sur l’activité créatrice de Dieu. Dans cette partie, nous trouvons également une profonde réflexion sur la réalité authentique de l’être humain en tant que sorti des mains créatrices de Dieu, fruit de son amour. D’une part nous sommes un être créé, dépendant, nous ne venons pas de nous-mêmes, mais de l’autre, nous avons une véritable autonomie, ainsi nous ne sommes pas seulement quelque chose d’apparent — comme disent certains philosophes platoniciens — mais une réalité voulue par Dieu comme telle, et qui possède une valeur en elle-même."
La seconde partie est celle qui intéresse le plus la théologie morale, en effet: "Dans la deuxième partie, saint Thomas considère l’homme, animé par la grâce dans son aspiration à connaître et à aimer Dieu pour être heureux dans le temps et pour l’éternité. L’auteur présente tout d’abord les principes théologiques de l’action morale, en étudiant comment, dans le libre choix de l’homme d’accomplir des actes bons, s’intègrent la raison, la volonté et les passions, auxquelles s’ajoute la force que donne la Grâce de Dieu à travers les vertus et les dons de l’Esprit Saint, ainsi que l’aide qui est offerte également par la loi morale. Ainsi, l'être humain est un être dynamique qui se cherche lui-même, qui aspire à être lui-même et cherche, de cette manière, à accomplir des actes qui l’édifient, qui le font devenir vraiment homme; et celui qui pénètre dans la loi morale, pénètre dans la grâce, dans sa propre raison, sa volonté et ses passions. Sur ce fondement, saint Thomas trace la physionomie de l’homme qui vit selon l’Esprit et qui devient, ainsi, une icône de Dieu. Saint Thomas s’arrête ici pour étudier les trois vertus théologales — la foi, l’espérance et la charité —, suivies de l’examen approfondi de plus de cinquante vertus morales, organisées autour des quatre vertus cardinales: la prudence, la justice, la tempérance et la force. Il termine ensuite par une réflexion sur les différentes vocations dans l'Eglise."
Je suis souvent étonnée par le nombre de personnes qui récriminent contre la morale. N'oublions pas que la morale est cette discipline qui étudie l'agir humain. Elle a pour but d'analyser, d'identifer les actes qui justement "édifient l'homme" qui l'aident à devenir ce qu'il est, c'est-à-dire un homme. La morale est ce qui aide à la construction de la personne humaine. Cette seconde partie est extrêmement riche tant par l'étude des vertus, que du rôle de la volonté, de la liberté... A lire et à méditer sans aucun doute!
Enfin, "Dans la troisième partie de la Summa, saint Thomas étudie le Mystère du Christ — le chemin et la vérité — au moyen duquel nous pouvons rejoindre Dieu le Père. Dans cette section, il écrit des pages presque uniques sur le Mystère de l’Incarnation et de la Passion de Jésus, en ajoutant ensuite une vaste réflexion sur les sept Sacrements, car en eux le Verbe divin incarné étend les bénéfices de l’Incarnation pour notre salut, pour notre chemin de foi vers Dieu et la vie éternelle et demeure presque présent matériellement avec la réalité de la création et nous touche ainsi au plus profond de nous-mêmes.".
Encore des lignes qui nous aident dans notre réflexion et dans notre vie de foi. Comment se dire chrétien et non pratiquant? Ne pas recevoir les sacrements, c'est ne pas profiter des "bénéfices de l'Incarnation".
Benoît XVI va à présent s'attarder non sans raison sur le sacrement de l'Eucharistie. Peut être ignorez-vous la grande dévotion qu'avait saint Thomas pour le saint sacrement? Il passait de nombreuses heures devant le tabernacle en prière et est l'auteur de nos plus classiques et célèbres prières eucharistiques. Que dit Saint Thomas de ce magnifique sacrement: "«L’Eucharistie étant le Sacrement de la Passion de notre Seigneur, elle contient Jésus Christ qui souffrit pour nous. Et donc, tout ce qui est l’effet de la Passion de notre Seigneur, est également l’effet de ce sacrement, n’étant autre que l’application en nous de la Passion du Seigneur» (In Ioannem, c.6, lect. 6, n. 963)." Et comme le remarque le saint père, il est arrivé à plusieurs reprises à saint Thomas de célébrer la messe en versant des larmes "de joie et de gratitude". Quelle conscience éclairée de ce grand mystère!
Quelle est la conclusion du saint père? Suivre l'exemple de saint Thomas d'Aquin et d'être amoureux de l'Eucharistie: " Chers frères et sœurs, à l'école des saints, tombons amoureux de ce Sacrement! Participons à la Messe avec recueillement, pour en obtenir des fruits spirituels, nourrissons-nous du Corps et du Sang du Seigneur, pour être sans cesse nourris par la Grâce divine! Entretenons-nous volontiers et fréquemment, familièrement, avec le Très Saint Sacrement! "
J'entends souvent critiquer la pratique de l'adoration du saint sacrement ou encore affirmer qu'il n'est pas nécessaire de participer à l'eucharistie dominicale. Qu'il n'est pas nécessaire de se réunir à l'Eglise, que Dieu est présent dans n'importe quelle pièce. Parfois, j'entends aussi affirmer qu'à présent Dieu est partout, que le sacré n'est pas cantonné comme dans le judaïsme ancien dans le sanctuaire, dans le fameux Saint des saints.... Ce n'est pas faux mais le Dieu des chrétiens n'est pas un panthéisme à la Spinoza ou une sorte de dérivation de l'animisme.
De quelle manière Dieu est présent? Lisons un extrait de la constituion Sacra Liturgia: " Pour l'accomplissement d'une si grande oeuvre, le Christ est toujours là auprès de son Eglise, surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le sacrifice de la Messe, et dans la personne de son ministre, (...) et au plus haut point, sous les espèces eucharistiques. Il est là présent par sa vertu dans les sacrements au point que lorsque quelqu'un baptise, c'est le Christ lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa parole, car c'est lui qui parle tandis qu'on lit dans l'Eglise les Saintes Ecritures. Enfin, il est là présent lorsque l'Eglise prie et chante les Psaumes, lui qui a promis: " Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là au milieu d'eux." (Mt 18, 20)."
Si Dieu est réellement présent dans la Messe, dans la Parole proclamée, dans l'Eglise qui se rassemble et prie les psaumes, dans les sacrements, Il est réellement et substantiellement présent dans le saint sacrement. Il présent " au plus haut point sous les espèces eucharistiques" pour reprendre l'expression du Concile.
Après avoir cité les deux grandes oeuvres de l'Aquinate, la Somme Théologique et la Somme contre les Gentils, il relève l'importance et la profondeur de sa prédication et de son enseignement oral. Toutes les discours ont été conservés dans un document nommé les Opuscules: " (....) où il explique le Symbole des Apôtres, interprète la prière du Notre Père, illustre le Décalogue et commente l'Ave Maria. Le contenu des prédications du Doctor Angelicus correspond presque tout entier à la structure du Catéchisme de l'Eglise catholique. En effet, dans la catéchèse et dans la prédication, à une époque comme la nôtre d'engagement renouvelé pour l'évangélisation, ces arguments fondamentaux ne devraient jamais faire défaut: ce que nous croyons, et voici le Symbole de la foi; ce que nous prions, et voici le Notre Père et l'Ave Maria; et ce que nous vivons comme nous l'enseigne la Révélation biblique, et voici la loi de l'amour de Dieu et du prochain et les Dix Commandements comme explication de ce mandat de l’amour."